Jérôme Vinçon

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Signe trace et murmure

Au commencement un trait. Brut, rapide mouvement du pinceau traçant de noir la feuille, y inscrivant son rythme. Un trait comme premier son d’une partition, murmurant son passage ici sur la feuille et au monde. Un trait comme pierre de base d’une architecture prenant corps sous nos yeux. La musique vient peu à peu, écoute. Et vois le toit de l’âme qui se dessine. Entre lenteur et jaillissement, se trace le paysage intérieur, d’encre et d’eau. Liquide tumulte de la vie qui se pose sur le papier humide qui le boit, la feuille en récipient d’une présence. Musique d’une vie qui se déploie, comme une aile, une musique inscrivant le silence, le poids et le murmure du monde, dans la légèreté de l’envol. La gravité et l’aérien tout ensemble réunis dans l’instant du trait. Le mouvement se fige et l’intensité du vide se déplie, entre deux traits, deux signes, deux murmures.

Cela s’est figé là un instant comme sur l’aile d’un oiseau disparu. Laisse-nous goûter encore un peu de cette quiétude. Mais déjà, dans le noir et l’eau, dans l’immatériel évanescent, tu grattes la feuille à la plume, dans un combat sans merci, la troues presque à force de signes, inscrivant la blessure ouverte sous le langage de la lumière, dans sa vitesse, la course folle des notes frappées. Tu traces, mesure au vide. Et sage du silence retrouvé, ta main retombe, nue entre la base et le sommet, la terre épaisse et le ciel infini, au commencement du trait.

Maud Thiria, sur le travail de Jérôme Vinçon, 2016

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